LES FORTIFICATIONS APRÉS 1885

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Avec l’apparition des obus torpilles (1885), ogives plus allongés et aux parois plus minces, donc contenant plus de charge, et surtout désormais avec des explosifs brisants de beaucoup plus grande puissance, les forts séré de rivière (tout neufs!) sont déclassés. Les expériences menées au fort de la Malmaison sont formelles. L'artillerie devient en outre beaucoup plus précise. La position de l'artillerie à ciel ouvert et concentrée sur les parapets est désormais intenable. l'apparition des obus à mitrailles rend de plus le service des pièces impossibles lors des bombardements. 

On avait deux solutions possibles, ou bien couvrir les forts par des cuirassements à l'épreuve des projectiles, ou bien sortir les pièces de gros calibre et les placer dans les intervalles. Comme la première solution était trés couteuse et ne pouvait être généralisée on eut recours en France à la seconde. Etant donné qu'il y avait alors une détente avec l'Italie, ces modifications ont concernés les forts de la frontière est, ceux des alpes étant restés dans leur état originel.

Ne restent dans les forts que quelques pièces de gros calibre placées sous casemates blindées, généralement chargées du rôle d'interdiction pour certains points stratégiques. Dans les intervalles sont placés la quasi totalité des pièces de gros calibre dans des batteries enterrées, cuirassées ou non. 

En avant de cette ligne est placée une position d'infanterie, la ligne de couverture, chargée de mettre les batteries à l'abri d'un coup de main, avec l'aide de pièces de petit calibre. Les forts sont désormais plus des ouvrages d'infanterie, points d'appui de la ligne de couverture de l'artillerie. L'artillerie de petit calibre devant assurer le flanquement des intervalles se trouve dans les forts et dans des ouvrages intermédiaires. Les forts et les ouvrages intermédiaires jouent ainsi le rôle de caponnières de la ligne de défense principale. 

Les magasins à munitions sont désormais échelonnées en profondeur à l'extérieur des forts, comme conséquence de la dispersion des batteries, et désservis par des routes ou des voies ferrées dont le développement est devenu nécessaire. 


Les nouveaux éléments de la fortification: Des expériences réalisées à Bourges et à Châlons avaient montré la voie à suivre. 

Les voutes en maçonneries ordinaires doivent être recouvertes de 6 à 12 mètres de terre (suivant la nature de celle-ci). Une autre solution est de recouvrir les anciens locaux d'une chape de béton d'épaisseur suffisante, avec interposition d'une couche de sable formant matelas contre les vibrations (voir ci-dessous, les culs-de-four aux extrémités permettent d'éviter la poussée au vide). L'utilisation de ciment armé permet de réduire encore l'épaisseur de la chape. cette solution étant onéreuse, il a souvent été nécessaire de construire de toute pièces des locaux à l'épreuve.

Pour les voutes en ciment un coup porté sur l'extrados forme un entonnoir en partie comblé par le béton désagrégé, qui forme ainsi un matelas contre les coups suivants (ci-dessous à gauche). Du coté de l'intrados on doit noter des chutes de ménisques de béton, qui imposent d'armer le ciment à ce niveau avec un grillage métallique, et de proscrire les enduits.

En revanche un mur vertical finit toujours par céder, l'entonnoir grossissant avec les coups. Les arêtes vives cassent trés vite en cas de coup proches (pousée au vide, ci-dessous à droite), et les surfaces extérieures doivent donc être arrondies ou fuyantes pour accroitre la résistance et favoriser les ricochets. L'épaisseur de terre au dessus des voutes de béton peut être considèrablement réduite. 

    

Une autre solution est de creuser les galeries dans le rocher, avec une épaisseur suffisante au dessus. D'une façon générale il a été reconnu que les escarpes et contre-escarpes taillés à même le roc étaient trés résistante.

Au niveau des fossés, on dut modifier l'escarpe et la contre-escarpe, qui n'étaient soit plus défilée avec la nouvelle artillerie, soit de solidité insuffisante. Dans le schéma ci-dessous du fossé de front de tête et de flancs, l'escarpe non défilée est constituée par une grille de 3 à 4 m de hauteur scellée dans un socle de béton. Le parapet commence au niveau du sol du fossé. La contre-escarpe est en maçonnerie et protégee par une épaisseur de rocailles et surmontée d'une épaisseur de terre. ce schéma doit être inversé au niveau du front de gorge, où c'est la contre-escarpe qui n'est plus défilée et doit donc être réalisée par une grille avant un parapet de terre. 

Le flanquement des fossés est désormais assuré par des coffres de contre-escarpe, et non plus par des caponnières, sauf éventuellement sur le front de gorge. On y accéde par des galeries souterraines. Un réseau de fil de fer barbelé entoure complétement l'ouvrage. un système de contre-mines peut éventuellement y trouver sa place. 

Sur tout le pourtour du fort règne une crête d'infanterie, où peuvent prendre place les fantassins, mais aussi mitrailleuses et pièces légères. Des boucliers portatifs en acier percés d'un créneau peuvent être utilisés pour protéger les tireurs, sinon on utilise les moyens habituels: sacs à terre, gazons, etc.

A l'intérieur l'armement, que ce soit les gros calibres, les petits calibres, ou les mitrailleuses, est désormais sous casemates blindés (béton, couche de terre, cuirassements), ou sous tourelles à éclipses. Le flanquement des intervalles est désormais confiés aux mitrailleuses et au canon à tir rapide de 75. Un soin tout particulier est donné pour camoufler les casemates, et pour défiler leurs embrasures. Ci-dessous schéma type d'un fort modifié aprés 1885:

Complémentairement aux casemates et tourelles doivent être aménagés des observatoires cuirassés de tir et de guet. Ci-dessous observatoire constitué d'une cloche métallique blindée percée de créneaux. 

On trouve aussi des guèrites d'observations destinées à suppléer aux précédentes, mais protégées uniquement contre les balles et les shrapnells et non contre les obus explosifs:

Tourelle de 75 d'un des ouvrages fortifiés de Verdun:

Tourelle de 75 d'un des forts de Verdun

Tourelle à éclipses - d'aprés l'illustration

Tourelle à éclipses

Les organes principaux du fort sont reliés par des communications internes à l'épreuve, dont les débouchés sont orientés pour échapper au tir de face, et tracés pour que les éclats de projectiles ne puissent y pénétrer et que le souffle des explosions soit brisé:

Naturellement les cheminées sont réduites au strict minimum, et on doit les faire déboucher autant que possible le long des façades non exposées aux coups directs. On remplace à ce sujet la ventilation naturelle par des ventilateurs.


Installation de l'infanterie en dehors de forts: Elle constitue une ligne de couverture chargée de mettre les batteries à l'abri d'un coup de main. Le tracé des retranchements est discontinu de manière à épouser les formes du terrain et de permettre des feux de flancs. Y prennent place l'infanterie, les mitrailleuses ainsi que les pièces de petit calibres. Le retranchement ordinaire est représenté ci-dessous. On a aussi des reranchements avec masques métalliques fixes ou rabattables (en-dessous). Dans ce cas, malgré un gain apppréciable de sécurité, des précautions de camouflages doivent être prises. Des défenses accessoires sont créées par réseaux de fil de fer barbelé, abatis, et même dans certains cas où c'est possible inondation. 

   

En outre, des abris de combats permettent d'abriter le personnel durant les bombardements, et peuvent contenir lits, rateliers, latrines, cuisines, etc. Dans certains cas l'abri peut être placé sous le parapet:

Dans tous les cas, les vues devant les retranchements sont dégagées. Les bois sont coupés, les autres couverts, maisons, haies, etc. sont rasés à la mobilisation.


Installation des batteries en dehors des forts: On s'efforce d'une part de donner un couvert convenable aux batteries (maçonneries, béton, béton armé, cuirassements) tout en essayant de conserver de bonnes conditions de tir (casemates, tourelles à éclipses ou tournantes, observatoires), d'autre part de ménager des abris pour les servants et pour les stocks de munitions. Quelque soit le type de batteries, un réseau de fil de fer barbelé entoure celle-ci pour la mettre à l'abri d'une surprise. 

Les magasins à munitions comprennent deux chambres, l'une pour les gargousses, l'autre pour les projectiles, ainsi qu'un petit atelier de modification des charges, avec des niches pour les détonateurs et les fusées. On peut les construire dans le roc quand on peut, ou bien on crée un abri à l'épreuve en béton armé. Les magasins de secteurs et centraux sont construits à peu prés suivant les même principes, bien que nettement plus grands. l'emploi de caisses étanches faisait que la condition antérieure de siccité du local n'était plus essentielle.


Enceinte de sureté du noyau central: Elle est réalisée avec des réseaux de fils de fer barbelé ou par des abatis. Le profil triangulaire est également trés employé. Il s'agit d'un parapet dont la plongée est prolongée jusque dans le fond de fossé, protégé par un réseau de fil de fer barbelé. On a toujours une contre-escarpe en maçonnerie ou en béton. Ce profil est avantageux par sa simplicité, mais l'obstacle est moins bon et il prend beaucoup de place. On en l'emploi donc qu'avec parcimonie dans les ouvrages intermédiaires, nettement plus dans les ouvrages secondaires:


Sources: Cours de fortification - Ecole militaire de l'artillerie - 1912
Site de l'association Fort Saint Eynard