La marine fût
la première à se doter d'un fusil à
répétition. En effet les conditions trés
particulières du combat en mer rendait la
nécessité d'un tir rapide beaucoup plus impérieuse
pour elle que pour les forces terrestres:
- Lors d'un abordage, la concentration d'un grand
nombre d'hommes sur un espace restreint rendait tout mouvement et toute
dilution impossible et donc offrait une cible de choix à la
concentration des feux
- L'objection (valable ailleurs!) du gaspillage de
munitions n'était pas valable ici puisque l'on pouvait stocker
de grandes quantité de munitions immédiatement disponibles
- Lors d'un débarquement,
l'infériorité numèrique des troupes
débarquées pouvait être contrebalancée par
la dotation de ces dernières en armes à
répétition
- En 1877 apparurent les torpilleurs, petites
chaloupes à vapeurs pouvant déposer des charges
explosives jusque sur les flancs du navire, et
facilement l'endommager voire le couler. En effet la
mobilité, la faible charge et la dilution des chaloupes
n'offrait qu'une prise quasiment nulle aux feux de l'artillerie des
navires de lignes. La solution était de concentrer des feux
d'infanterie de marine vers elles.
Les fusils
américains à répétiton Spencer ou
Winchester, acquis par la France lors du conflit de 1870 utilisaient
des cartouches trop faibles et ne convenaient pas aux tirs
groupés à longues distances. On chercha donc un
mécanisme pouvant utiliser la cartouche du fusil d'infanterie
Gras, trés puissante. En 1877 on testa trois fusils:
- Le Hotchkiss américain à magasin dans la crosse
- Le Krag-Petersen norvégien, à magasin dans le fût
- Le Kropatschek tchèque à magasin dans le fût
Fusil américain Hotchkiss:
il reprenait le système spencer de 1860 adapté à
la fermeture à verrou classique, permettant l'utilisation de
puissantes cartouches d'infanterie

Fusil norvégien Krag-Petersen:
il reprend le système winchester de 1866, mais avec une
trés ingénieuse fermeture à bloc basculant
commandé par un simple levier situé derrière la
boite à culasse

De ces trois armes, le Kropatschek a été
retenue, ayant le mieux supporté l'épreuve redoutable de
l'oxydation. Il fût adopté sous le nom de fusil de marine
modèle 1878, avec quelques modifications cependant:
- remplacement du piston de bois par un pistion métallique (non sujet aux gonflements)
- la capacité du magasin est portée à sept cartouches
- la baguette est supprimée
- la culasse est modifiée pour empêcher d'éventuels crachements d'atteindre l'oeil du tireur
- le tenon de l'épée baïonnette est placée sur l'embouchoir et non plus sur le canon
- les crans du curseur de hausse sont supprimés
La fabrication est réalisée à
Steyr en Autriche, notre industrie armurière du moment
n'étant pas capable d'en assurer la fabrication.
Le fusil kropatschek modèle 1878:

Suite à cette
adoption l'armée de terre reconsidéra sa position et
adopta elle aussi ce modèle, mais désormais
fabriqué en France sous le nom de modèle 1884, premier
pas vers le fusil à répétiton de petit calibre
à poudre sans fumée Lebel (cf. Bref historique du fusil Lebel). La marine adopta par la suite le fusil Lebel, comme le reste de l'armée.
Fonctionnement du système Kropatschek:
Chargement:
culasse ouverte, auget transporteur abaissé, les cartouches sont
poussées une par une dans le tube magasin sous le canon. Une
dernière cartouche est placée dans l'auget. La
première cartouche du magasin est retenue par la griffe
d'arrêt de cartouche.

Armement:
la culasse est vivement tirée en arrière, le butoir de
relèvement de l'auget transporteur est frappé par la
tête mobile, l'auget se relève et la cartouche qui s'y
trouve est en place en face de la chambre. Dans le même temps la
griffe d'arrêt s'est abaissée et la première
cartouche du magasin, retenue en haut pas le bec d'auget, est
passée en bas par dessus la griffe.

Fermeture - verrouillage:
la cartouche est introduite dans la chambre. Au moment de la fermeture
du verrou, l'auget, poussé vers le bas par la culasse mobile,
s'abaisse et la cartouche suivante du magasin passe dans l'auget. La
cartouche suivante est arrêtée en bas par la griffe
d'arrêt de cartouche

Pour le tir en coup par
coup, un levier sélecteur de répétition permet de
bloquer l'auget en position haute et de conserver le magasin rempli. Le
tir s'effectue alors comme un fusil à un coup.
Ce système avait deux inconvènients:
- il était d'une exécution
délicate et comportait de nombreuses pièces qu'il fallait
ajuster trés soigneusement
- si le tir à répétition
était trés rapide, le chargement du magasin était
fort long, ce qui réduisait la vitesse effective
Exercice de feu de salve à répétition à bord du Vauban:

Sentinelle armée du fusil kropatschek:

Toutefois, l'invention
par l'américain Lee du magasin amovible rendait caducs tous les
autres systèmes à répétition en raison de
son extrême simplicité. Ce système s'imposa
mondialement aprés l'invention des chargeurs par Mannlicher et
Mauser dans la dernière décennie du XIX°
siècle.
Système Lee:
