LA LEGION ETRANGERE
À l'origine le légionnaire est très mal formé, peu ou pas payé, et reçoit le plus sommaire en matière d'équipement, de vêtements et de nourriture. La motivation des hommes est alors au plus bas, car les raisons de rejoindre la Légion sont le plus souvent le désespoir et l'instinct de survie plutôt que le patriotisme. Les conditions de vie et de travail sont terribles et les premières campagnes provoquent de lourdes pertes. En conséquence, les désertions posent un problème important à la Légion. Forger une force de combat efficace à partir d'un groupe de soldats peu motivés, représente une entreprise des plus difficiles. Dans ce but, la Légion développe d'emblée une discipline stricte, dépassant de loin celle imposée à l'armée française régulière.
Les premiers faits d'armes de la légion sont bien sûr relatifs à la conquête de l'Algérie et sa mise en valeur. En 1834 les resortissants espagnols de cette première légion est envoyée combattre en Espagne alors en guerre civile, sous l'instigation d'Adolphe Thiers ministre de l'intérieur, afin d'aider Isabelle II contre les carlistes, partisan de son frére cadet Don Carlos. Ils ne font alors plus partie de l'armée française. En 1838 Isabelle II, en proie à des difficultés financière, dissout la légion étrangère, qui retourne en France.
En 1836 après le passage de la Légion étrangère dans les rangs de l'armée espagnole, Louis-Philippe décide de la création d'une nouvelle légion afin de renforcer les troupes françaises en Algèrie. Trois bataillons sont alors créés pour combler le vide laissé par les départs en Espagne. En 1840, deux autres, les 4eme et 5eme, sont formés avec les survivants de l'aventure espagnole, légionnaire ou carlistes. Ces bataillons viennent rapidement compléter le dispositif et renforcer les troupes françaises de l'armée d'Afrique.
La nouvelle légion participera aux campagnes de Crimée, d'Italie, du Mexique, et aux conquêtes coloniales, notamment l'expédition du Tonkin, le Dahomey, le Soudan, La guinée, Madagascar et à la pacification du Maroc.
Légalement, la légion n'aurait pas du participer à la guerre de 1870, d'autant plus qu'on ne pouvait pas demander aux légionnaires allemands de combattre leur ancienne patrie. La situation est cependant si critique que le gouvernement fait appel aux troupes d'Afrique et notamment des légionnaires, avec l'envoi de deux bataillons d'étrangers, mais sans les légionnaires allemands restés en Algérie. Un 5ème bataillon est créé sur le sol national pour incorporer les étrangers qui veulent servir leur patrie d'adoption.
La légion participa largement à la grande guerre.
Départs de Légionnaires pour le Maroc:
Compagnie montée de la légion s'apprêtant à quitter Sidi-bel-Abbés aux alentours de 1910: chaque mule était accompagnée de deux soldats qui se relayaient sur son dos toutes les heures. Ces patrouilles du désert pouvaient parcourir 60km par jour sous une chaleur écrasante. Les hommes partageaient leur ration d'eau avec leur mule et en dernière extrémité, mangeaient l'animal si leur survie en dépendait.
Fortin de Dou-Denib à la lisière du désert sud-marocain, aprés une attaque en septembre 1908:
Témoignage de Blaise Cendrars:
La Légion. Il en était question depuis notre départ de Paris...quand la chose devint effective, huit mois plus tard, quand le 3° de marche de la garnison de Paris (le "3° déménageur" l'appellions nous, car il avait servi de bouche-trou dans les plus sales coins du front du nord) fût dissous pour être versé au 1er étranger, la démoralisation fût générale, surtout parmi les volontaires venus des trois amériques, tellement le renom de la Légion était sinistre outre-Atlantique, et je connais plus d'un américain qui s'était vaillammment comporté jusque là, qui avait secrétement envi de déserter...Légion ou pas Légion. Personnellement cela ma laissait absolument indifférent. Je ne me paie pas de mots. Je m'étais engagé, et comme plusieurs fois déjà dans ma vie, j'étais prêt à aller jusqu'au bout de mon acte. Mais je ne savais pas que la Légion me ferait boire ce calice jusqu'à la lie et que cette lie me saoulerait, et que prenant une joie cynique à me déconsidérer et à m'avilir je finirais par m'affranchir de tout pour conquérir ma liberté d'homme. Être. Être un homme. Et découvrir la solitude. Voilà ce que je dois à la Légion et aux vieux lascars d'Afrique, soldats, sous-offs, officiers, qui vinrent nous encadrer et se méler à nous en camarades, des desperdos, les survivants de Dieu sait quelles épopées coloniales, mais qui étaient des hommes, tous. Et cela valait la peine de risquer la mort pour les rencontrer, ces damnés, qui sentaient la chiourne et portaient des tatouages. Aucun d'eux ne nous a jamais plaqués et chacun d'eux était prêt à payer de sa personne, pour rien, par gloriole, par ivrognerie, par défi, pour rigoler, pour en mettre un sacré coup, nom de Dieu, et que ça barde, et que ça bande, chacun ayant subi des avatars, un choc en retour, un coup de bambou, ou sous l'emprise de la drogue, du cafard ou de l'amour avait été rétrogradé une ou deux fois, tous étaient revenus de tout.Le lieutenant Colonel Flatters (1832-1881) et le monument érigé en son souvenir à Ouargla - Le monde Moderne 1899
50 ans aprés la conquête de l'Algèrie, le Sahara était en effet toujours une zone inconnue, et le massacre de la mission Flatters en 1881 arrêta pour quelques temps toutes tentatives. Une loi du 5 décembre 1894 porta création des troupes spéciales sahariennes comprenant un escadron de spahis sahariens sur méhari et une compagnie de tirailleurs sahariens. En 1889, le succès de la mission Foureau-Lamy devait redonner corps à l'idée d'une "Afrique française". Le capitaine Pein fut amené à occuper In Salah le 29 décembre 1899 et cette opération devait déclencher l'occupation et la soumission de toutes les oasis sahariennes. Il fallait maintenant soumettre les nomades et ce n'était pas chose aisée, nos colonnes n'ayant pas la mobilité nécessaire pour poursuivre ces pillards qui allaient prélever périodiquement de fortes dîmes dans les oasis. Le commandant François-henry Laperrine, saharien averti, réussit à faire adopter le remplacement des spahis et des tirailleurs sahariens par des unités nouvelles encadrées par des officiers des Affaires indigènes et composées de nomades sahariens recrutés sur place et tenus de pourvoir eux-mêmes à leur nourriture, à leur vêtement et à leur remonte.
Ils furent officialisés par un décret de 1902 qui créa cinq compagnies méharistes, commandées par des officiers des affaires indigènes, et dépendant de la direction de l'infanterie. Quatre de ces compagnies étaient composées de fantasins montés et de méharistes (montés sur dromadaire ou méharis), la cinquième possédait des véhicules adaptés au désert. Ces compagnies peuvent être en configuration normale ou réduite. Elles se composent alors d'un peloton de commandement et de deux ou trois pelotons de méharistes pour effectif total de 142 ou 178 hommes.
Ces compagnies devaient avoir raison des Touaregs. Toutefois leurs actions se résument à une quantité de petites actions militaires qui se sont déroulées dans de vastes territoires, mais n'ont jamais donné lieu à une opération d'ensemble. Il s'agit de reconnaissances, de mesures de police, de quelques combats dont aucun ne met en ligne plus d'une centaines d'hommes, de part et d'autre.
Les uniformes des Compagnies Sahariennes étaient issus à la fois des traditions de la légion étrangère et de celles des premières unités méhariste: Képi blanc (noir pour les officiers et sous officier), vareuse de toile blanche, épaulettes "vert et rouge", sarouel noir ou blanc (selon l'unité), burnous en drap noir doublé de blanc (selon l'unité), ceinture bleue (portée sous le ceinturon et le baudrier), ceinturon et baudrier porte-cartouche formant un V sur la poitrine et dans le dos, nails (sandales)